Interview de Christophe Buffavand — Président de la coordination régionale Santé mentale France Auvergne-Rhône-Alpes

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Rencontre avec Christophe Buffavand, président de la Coordination régionale Santé mentale France Auvergne–Rhône-Alpes, ergothérapeute et membre d’une équipe mobile intervenant à domicile. Formé à la réhabilitation psychosociale et investi depuis près de vingt ans en psychiatrie adulte, il a très tôt développé une approche du soin fondée sur la proximité, le rétablissement et la participation des personnes concernées.

Engagé de longue date au sein de Santé mentale France, il a contribué à l’émergence de dispositifs innovants, à l’implantation de centres de réhabilitation de proximité et aux premières formations de Premiers Secours en Santé Mentale. Son parcours témoigne d’un attachement constant à l’ancrage territorial, au décloisonnement des pratiques et à une vision citoyenne de la santé mentale

Tout commence par les rencontres locales : c’est dans ces échanges du quotidien, souvent simples mais essentiels, que se construisent les dynamiques collectives. Ces partages d’idées permettent de faire émerger des solutions concrètes et, progressivement, de véritables évolutions pour l’ensemble du secteur.

Pouvez-vous vous présenter et revenir sur votre parcours, ainsi que sur ce qui a motivé votre engagement pour la santé mentale ?

Christophe Buffavand : J’ai commencé à travailler en psychiatrie adulte il y a près de vingt ans, parallèlement, je me suis très tôt impliqué dans une association de secteur, au sein des Croix-Marine [la fédération d’aide à la santé mentale Croix-Marine a ensuite fusionnée pour devenir la fédération Santé mentale France, NDLR], où j’ai ensuite repris le rôle de représentant administratif auprès de la fédération. C’est dans ce cadre que j’ai commencé à rencontrer les acteurs de la région Rhône-Alpes.

Avec la création de Santé mentale France, au niveau national comme régional, les relations se sont enrichies. À l’époque, on parlait encore très peu de rétablissement : le mot apparaissait dans quelques articles, mais n’était pas un terme consacré dans les pratiques.

C’est dans ce contexte de transformation que j’ai découvert la réhabilitation psychosociale, et contribué à la mise en place d’un centre de proximité à Roanne. Avant d’arriver au Vinatier, j’ai également participé aux premières formations de Premiers Secours en Santé Mentale. Au tout début, c’est ce qui m’a engagé dans cette aventure, qui représentait aussi à l’époque plus de risques, car nous n’avions aucune certitude sur l’adoption de cet outil innovant par ses pairs.

C’est aussi grâce à la fédération que j’ai pu faire évoluer mes pratiques. Nous sommes aujourd’hui de plus en plus dans des enjeux citoyens, qui touchent directement à la participation des personnes concernées, à l’exercice de leurs droits, à la lutte contre la stigmatisation et à leur place dans la société, sans perdre de vue les besoins de terrain. Au-delà de mon rôle de président de la coordination, je suis en effet ergothérapeute de formation et je travaille aujourd’hui au sein d’une équipe mobile, ce qui m’amène à intervenir directement à domicile.

En quoi consiste votre rôle au sein de la coordination régionale Auvergne-Rhône-Alpes de Santé mentale France ?

Christophe : Le bureau régional a pour mission d’animer un réseau et de maintenir un lien étroit entre les orientations nationales et les besoins exprimés par les acteurs locaux. Cela passe par l’organisation de rencontres, le partage de pratiques de terrain et l’identification des initiatives qui méritent d’être mises en valeur ou relayées.

Plus largement, les coordinations régionales jouent un rôle essentiel au sein de la fédération. Elles représentent Santé mentale France auprès des collectivités territoriales, créent les conditions de rencontres citoyennes en s’appuyant sur la parole des personnes concernées et favorisent des espaces d’échanges permettant de décloisonner les pratiques 

C’est une mission qui demande de maintenir une cohérence entre des réalités très diverses. La crise sanitaire, par exemple, a remis en question nos formats habituels : nous avons expérimenté davantage le distanciel, qui permet de garder un lien, mais qui ne remplace pas les temps forts en présentiel.

À ce titre, en 2021, la coordination a joué un rôle pionnier, avec l’organisation  de la toute première édition des Ateliers du Rétablissement. Un format qui reste très innovant aujourd’hui, et qui témoignait d’une dynamique régionale déjà forte,  incarnée par de premiers Etats généraux des personnes concernées par les troubles psychiques (2019).

Cette démarche avait participé à nourrir la première génération du  PTSM (Projets Territoriaux de Santé mentale) du Rhône, mais également de construire un plaidoyer qui a inspiré l’émergence d’associations de personnes concernées, telles que le Collectif Tout.e.s Concerné.e.s 69.En 2025, la 6ème édition des Ateliers du Rétablissement en santé mentale  Auvergne-Rhône-Alpes, doublés d’une nouvelle édition des Etats généraux,  continuent d’accompagner et de renforcer cet élan, alors que la seconde génération des PTSM est en gestation. Ce temps fort a permis d’ouvrir le dialogue autour du pouvoir d’agir des personnes concernées, de la pair-aidance et de l’évolution des pratiques. Il a également  renforcé la  nécessaire évolution des modalités d’accompagnement, en favorisant une approche plus participative, inclusive et centrée sur les savoirs expérientiels.

C’est ici que la fédération, au travers de sa coordination régionale prend toute sa place : en construisant les lieux et rendez-vous d’échange nécessaires, elle fait vivre les initiatives territoriales en les replaçant dans une vision d’ensemble. Cela permet tant aux associations qu’aux institutions comme l’ARS de faire évoluer le système de santé mentale vers de meilleures pratiques orientées rétablissement, et donc de mieux garantir la dignité des personnes concernées.

Selon vous, quels sont les principaux éléments qui font la force et la pérennité de la fédération ?

Christophe : La force de Santé mentale France repose d’abord sur la diversité et transversalité des acteurs : les personnes concernées et aidants, le sanitaire, le social, le médico-social. Cette pluralité unique est indispensable pour répondre aux besoins du quotidien.

Un autre élément essentiel est la place donnée aux GEM (Groupes d’Entraides Mutuelles) et aux associations de personnes concernées. La fédération a toujours permis qu’ils puissent parler d’égal à égal avec les autres acteurs, dans une volonté de participation réelle et de pleine citoyenneté. 

Depuis 1952, malgré les bouleversements du paysage, il y a une continuité historique, l’esprit reste le même. Le suivi du décret de 2005 sur le statut des GEM proposé dans Le Livre Blanc – édition 2025, ou encore l’accompagnement à la création du CNIGEM devenu FIGEM, illustrent cet engagement constant pour améliorer la situation des personnes concernées.

Parmi les valeurs portées par la fédération, lesquelles vous tiennent particulièrement à cœur ?

Christophe : La fédération s’intéresse à l’ensemble des déterminants socio-économiques de la santé mentale qui ont longtemps été négligés : l’activité physique, la question du lien social etc. Donner la parole aux personnes concernées permet de mieux adapter les pratiques aux besoins d’aujourd’hui.

Les valeurs d’inclusion, dans tous les domaines de la vie quotidienne, sont centrales. Pour y répondre, il faut une pluralité d’acteurs et des espaces de rencontre : c’est précisément ce que la fédération permet.

Que retenez-vous de l’édition 2025 des Ateliers du Rétablissement en santé mentale et États Généraux des personnes concernées ? Et comment imaginez-vous la continuité de ces échanges en 2026 ?

Christophe : Je retiens d’abord l’importance des paroles exprimées, notamment celles des personnes concernées autour des États généraux, qui donnent une véritable feuille de route pour ce que nous devons prioriser dans la région en 2026. Elles mettent en avant des enjeux d’accessibilité des droits, de formation, d’emploi, mais aussi de lutte contre la stigmatisation, qui reste un sujet central. 

Ces échanges trouvent un terrain concret dans l’écriture des PTSM (Projets Territoriaux de Santé mentale) deuxième génération : ils permettent de transformer un temps fort en actions. On avance pas à pas, avec de petites victoires qui sont souvent déterminantes.

Il y a aussi, pour moi, une vigilance à garder : ne pas oublier les soignants, qui jouent un rôle essentiel dans les parcours et qui parfois s’éloignent de ces espaces de réflexion. Les Ateliers du rétablissement peuvent justement permettre de retisser ce lien en diffusant des notions comme le rétablissement ou l’empowerment, encore insuffisamment connues dans certaines pratiques.

Pour 2026, l’enjeu est de poursuivre cette dynamique, en s’appuyant sur ce qui a été vécu lors de ces temps forts afin de construire un plaidoyer commun, tout en maintenant un espace de dialogue ouvert, où chacun — professionnels, personnes concernées, aidants — peut contribuer.

De manière plus large, quels seront les grands enjeux pour la coordination AURA dans les années à venir ? 

Christophe : En 2026, plusieurs projets importants arrivent dans la région, notamment le Congrès Réh@b’ – Santé mentale France 2026, qui constitue un moment fort pour la dynamique régionale.

Nous serons également attentifs aux enjeux de prévention, en particulier autour de la santé mentale des adolescents : les expérimentations montrent que les PSSM jeunes rencontrent leur public, mais elles nécessitent un soutien renforcé pour se pérenniser et toucher plus largement les familles et les professionnels.

La santé mentale des personnes âgées est également un sujet encore trop peu visible. Le suicide des hommes âgés reste une réalité préoccupante, souvent invisible. Le lien social, les actions de proximité et des dispositifs plus communautaires peuvent vraiment contribuer à faire évoluer la situation.

Ces thématiques rejoignent les préoccupations portées par Plein Espoir, le média créé par et pour les personnes concernées par des troubles pscyhiques et portés par Santé mentale France, qui souhaite les mettre davantage en lumière en 2026. Depuis son lancement, Plein Espoir met en lumière des témoignages, des ressources et des parcours de rétablissement, non seulement pour informer, mais aussi afin de créer un espace de soutien et de solidarité.
La coordination régionale pourra jouer un rôle de relais et de mise en réseau autour de ces sujets.

Enfin, il s’agira de maintenir un espace de coordination active pour accompagner les projets, soutenir les adhérents, favoriser les échanges de pratiques et continuer à porter une vision régionale cohérente et inclusive.

Pour clôturer cet échange, que souhaitez-vous partager aux adhérents et soutiens de Santé mentale France ?

Christophe : La fédération est plus que jamais pertinente pour répondre aux besoins de la société. Chaque adhérent peut contribuer, par ses expériences, ses idées et la réalité de son terrain, à faire avancer la réflexion nationale et à nourrir les orientations de demain.

Tout commence par les rencontres locales : c’est dans ces échanges du quotidien, souvent simples mais essentiels, que se construisent les dynamiques collectives. Ces partages d’idées permettent de faire émerger des solutions concrètes et, progressivement, de véritables évolutions pour l’ensemble du secteur.

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