INTERVIEW DU MOIS : NATHALIE AOUSTIN, VICE-PRÉSIDENTE SANTÉ MENTALE FRANCE, PROFESSIONNELLE & PERSONNE CONCERNÉE

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Rencontre avec Nathalie Aoustin, qui revient sur son parcours alliant engagement personnel, militantisme et vocation pour l’écriture, au service du rétablissement en santé mentale. De son expérience en tant que personne concernée à son implication militante, elle défend une approche humaniste du soin et de l’accompagnement, centrée sur la dignité et la participation des personnes concernées. Vice-présidente de la Fédération Santé mentale France, elle revient sur son rôle dans la transformation des pratiques, l’inclusion des personnes concernées par un trouble psychique et les défis à relever, notamment en 2025, année de la grande cause nationale pour la santé mentale.

« Lorsque je suis arrivée à la Fédération, j’ai ressenti une énergie nouvelle. Il y a une vraie volonté de faire bouger les lignes, même en période difficile. En tant qu’usagère et vice-présidente, je trouve cela très porteur d’espoir. »

1. Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours, notamment en lien avec votre engagement pour la santé mentale ?

Je m’appelle Nathalie Aoustin. Mon parcours est un peu atypique. J’ai grandi en Aveyron, au cœur d’un paysage magnifique, entourée de collines et de forêts que j’aimais explorer. Mes parents, tous deux enseignants, m’ont transmis une grande sensibilité à l’art et la lecture. Après des études d’arts plastiques à Toulouse, puis de Lettres modernes à Paris à la Sorbonne, ma vie a pris un tournant difficile. Pendant mon année de préparation à l’agrégation, j’ai dû faire face à une première hospitalisation en psychiatrie. Cela m’a conduit à quitter Paris pour Toulouse, où une psychiatre-psychanalyste m’a diagnostiquée une psychose maniaco-dépressive. C’est elle qui m’a recommandée de rejoindre, en 1997, l’association « Bon Pied Bon Œil », association d’usagers qui est devenue un GEM.


À Bon Pied Bon Œil, j’ai animé mon premier atelier d’écriture, un moment décisif qui a révélé ma vocation. Aujourd’hui, dans divers lieux de soin et dans des GEM, j’accompagne les personnes avec mes ateliers. Je me positionne en décalé du soin, à travers le littéraire, l’art, ouvrant ainsi les perspectives. L’écriture est un véritable outil de réappropriation de soi, permettant à chacun de se reconstruire à partir de son propre parcours.


Je m’engage aussi dans plusieurs actions militantes : je représente les usagers à la CDU de l’Hôpital Marchant, je suis membre du CA de l’Association Prisme à Toulouse, et j’interviens, dans le cadre du CLSM, pour sensibiliser les lycéens à la santé mentale. En tant que vice-présidente de la Fédération Santé mentale France, je siège également au Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH).

2. Quelle est la mission de la Fédération Santé mentale France et quel bilan tirez-vous de ses actions ?

La mission de la Fédération est de défendre et promouvoir la santé mentale à tous les niveaux. Nous sommes engagés pour que les soins psychiatriques évoluent, pour qu’ils soient plus humains et centrés sur les valeurs du rétablissement. Cela implique de repenser l’hôpital, de soutenir les GEM, de renforcer l’inclusion des usagers dans le parcours de soin, et d’encourager la pair-aidance. 


Le bilan de nos actions est très positif. Chaque année, des événements phares comme le congrès Réh@b et les Ateliers du rétablissement prennent de l’ampleur, favorisant les échanges de pratiques à travers les territoires. Ces temps forts nous inspirent, nous, professionnels du soin, et nous poussent à faire évoluer les pratiques au sein de nos institutions pour éviter notre propre chronicisation ! Ce sont des espaces de décloisonnement où chacun peut partager son expertise et sa vision. Cette dynamique représente une véritable volonté de synergie et d’évolution collective.

3. Qu’est-ce qui distingue la Fédération Santé mentale France des autres acteurs de la santé mentale ?

Ce qui distingue la Fédération, c’est sa capacité à réunir des acteurs très divers autour d’un même objectif : améliorer la prise en charge de la santé mentale. Nous sommes une fédération structurée dans chaque région et nous portons des projets ambitieux, dans un réel élan de solidarité. Nous incluons les usagers dans la réflexion et dans la pratique des soins, ce qui fait une véritable différence. L’alliance entre les usagers, les familles et les professionnels est un moteur essentiel de notre action. 


Lorsque je suis arrivée à la Fédération, j’ai ressenti une énergie nouvelle. Il y a une vraie volonté de faire bouger les lignes, même en période difficile. En tant qu’usagère et vice-présidente, je trouve cela très porteur d’espoir.

4. Quelles sont les valeurs et projets que la Fédération défend, et en quoi cela résonne-t-il avec votre propre vision ?

Les valeurs que défend la Fédération sont celles du soin, du prendre soin, de la dignité et de la participation des personnes concernées. Nous pensons qu’il est essentiel que les personnes en souffrance puissent, non seulement être accompagnées, mais aussi participer activement à leur parcours de soin. C’est aussi une question de citoyenneté : les usagers doivent pouvoir être entendus et avoir un véritable rôle dans la société.


Cela résonne totalement avec ma vision personnelle du soin. Pour moi, le rétablissement n’est pas un retour à un état de santé antérieur, mais un processus d’adaptation, de réappropriation de sa vie, parfois même de transformation. En tant que professionnelle et usagère, je suis convaincue que chacun mérite de vivre dignement, avec les autres, et que cela passe par un accompagnement sur mesure, pour chacun.

5. Quels sont les défis majeurs auxquels la Fédération est confrontée, notamment en 2025, année où la santé mentale est la grande cause nationale ?

Le principal défi est de lutter contre la stigmatisation encore trop présente autour des troubles psychiques. En 2025, année où la santé mentale est la grande cause nationale, il est crucial de communiquer davantage sur ce sujet et de montrer que les personnes concernées par des troubles psychiques ont des expertises, professionnelles ou expérientielles. Leur avis est précieux.


Nous devons également continuer à militer pour l’humanisation de l’hôpital psychiatrique. Les équipes soignantes sont souvent épuisées, et l’hôpital ne peut plus fonctionner comme avant. Il faut rénover les pratiques et redonner de l’énergie à tous les acteurs du soin et de l’accompagnement. Nous devons aussi renforcer l’implication des usagers et leur donner une vraie place.

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